Marathon De Paris

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Marathon De Paris par Platdetain (invité) (86.214.136.xxx) le 13/04/06 à 18:39:12

5 heures du mat , Paris s'éveille . Moi ça fait déjà 2 heures que je tourne dans le lit. Je descends les 5 étages de l' Hôtel ( par l'escalier ... c'est peut être pas une bonne idée ?? ) j'enjambe dans le hall le veilleur de nuit hagard et ensommeillé qui m'explique que ça va pas être possible de déjeuner à 5 h 30 puis finit par capituler . Seul dans les cuisines , au sous-sol ,je fais le plein de calories . Rituel de la préparation ... crème pour les pieds , sparadraps , doses de gel , pastilles de sel , putain d'épingles à nourrice ...Dossard dédicacé la veille par un Stéphane Diagana sympa et disponible . Il m' a prédit un 2 H 59 pour lequel je signerais des 2 mains . On quitte l'hôtel : 7h moins le quart . Les épiciers arabes sont déjà au taf et nous dévisagent ,incrédules ,dans nos sacs poubelles .
Place Blanche , Pigale : une bordée de blacks entre 2 afters s'engouffre dans la bouche de métro avec un groupe de Marathoniens polonais :choc culturel !. 7h 45 Le Bd Foch est entièrement dédié à la grand messe de l' athlé ... incroyable boulot des bénévoles !!
La pression monte . 8h15 je pénètre dans le sas Rouge .
Dans ma vessie aussi la pression monte (était -il raisonnable de boire autant ?? ) Je prends ma place en 20ième position dans la queue pour la sanisette .
8h30 . Rapide calcul mental 10 personnes devant moi ... pas envie d'être dans les tinettes au coup de pistolet . Je quitte le sas , et avec quelques impatients urinaires on teste le pipi sous porte cochère aux champs élysées ( pardon M. Delanoe ...) . Je me cale près d'un ballon rouge .
8h45. La délivrance après 2 mois de montée en puissance.
Premier kilo : ça bouchonne . 5 minutes 40 !!! J' ai paumé mon meneur d'allure .Je suis effondré.....
10 minutes que je piétine et slalome , m'infiltre dans la moindre brêche : un cauchemard !!!
Rue de Rivoli :Les 3 ballons rouges pilotes dansent au bout de leur perche ; je les aperçois maintenant loin déjà . Je grignote place par place . Faubourg St Antoine .
Je les ai rejoins . Ca y est , la course commence et je suis dans la course . Je me sens bien .
Autour de moi ça râle : les meneurs d'allure sont en 4 ' 05 . " ils vont nous flinguer !!" Trop vite ...
Au premier ravito , j'ai choisi la gauche : tout faux !! les tables sont à droite . Je déboite maladroitement sous une bordée d'injures. J'attrape à la volée de quoi me sustenter et un flot de récriminations acerbes du genre : le ravitaillement ça s'anticipe ! Marathonien c'est un métier ! Désolé ...Profil bas ... Le groupe compact des 3 heures me pèse .
Envie de choisir mes trajectoires . Bastille : un vent de révolte et de liberté !!! Je dépose les ballons rouges . La route s'ouvre un peu . Je passe aux 10 Km en 40 ' . Rapide calcul : je suis dans les temps .
Vincennes : putain de vessie ... Je dédaigne les troncs d'arbres qui m'invitent au soulagement . Pense à autre chose . Ca passe . Gravelle :
c'était donc ça le faux plat ... Pas senti . Merci les séances d'entraînement sur les reliefs bretons . On descend maintenant sur la capitale . Pas possible , ce que je peux être bien : je suis à moins de 4 ' au kilo .Ne pas s'enflammer . Je reconnais de dos un pote de chez moi . Le rattraper , doucement .Pas d'à coup ...On échange 3 mots . On se perd de vue . Deux haies compactes de spectateurs rétrécissent maintenant la chaussée . C'est l' Alpe d'Huez du MDP !!! Je suis porté , grisé . Le semi passe en 1h 24 , dans la même seconde que Rémy (on ne s'aperçoit ni l'un ni l'autre !!! on est du même bled : on a fait la route ensemble )
Daumesnil : gel énergétique , pastille de sel en prévention : tout est trop beau , tout va trop bien ....
Une bosse , ça ralentit: je passe sur la droite les spectateurs s'écartent devant moi ... sensations énormes ... je vole !!!
Les quais : la foule chaleureuse , bruyante nous encourage . Les kilos défilent comme dans un rêve . Je ne les vois pas tous . Je continue mes calculs mentaux qui m'emmènent vers des temps estimés fabuleux pour moi . Ca me dope . Notre -Dame : les cloches sonnent à la volée ... Moment magique . Je me demande si c'est pour célébrer la grand-messe du Marathon ???
Les tunnels arrivent juste derrière : j'ai lu trop de trucs sur les tunnels , je les redoute un peu .
Un drapeau Gwen Ha Du . Une spectatrice qui me reconnait . Tiens , je savais pas qu'elle serait là . Un kilomètre où je pense à autre chose qu'à la course ... et les tunnels sont passés sans encombre .
GO GO GO Chicago . Un jour ,peut-être ,j'irai fouler ton macadam .
Je double un dossard élite ( féminin.... lol )
La course a changé maintenant . Elle commence vraiment . On commence à voir des mecs plantés , voire arrêtés . Partis trop vite . Merde : ça me rapelle à l'ordre .
Moi aussi je suis vite !?!. Ne pas gamberger . 2ième pastille de sel , on ne sait jamais !! M... P ...elle est plus là ! Perdue . Et ce bob jaune que je trimbale comme un con ,coincé dans l'élastique de mon short ( ça fera plaisir au petit !! ) qui m'a fait une superbe irritation . Mon coeur bat tout entier dans cette gêne et dans mon pied droit . Un début d'ampoule , c'est sûr ... Rien de très handicapant . Putain , essaye de penser à autre chose . 30km ...en 2 heures !!! Hier , à marathon-expo , j'étais en extase devant Yemouni qui avalait sereinement ses 16 km/h sur le tapis roulant du stand Reebok tout en discutant très disponible et souriant avec les spectateurs !! Et moi je suis en 15 à l'heure après 30 bornes . C' est pas possible , je n'ose même plus me projeter sur des temps d'arrivée . C'est sûr je vais passer cette barrière mythique des 3 heures . J' arrête pas de penser au speaker rapportant les propos de Chauvelier au départ : " des conditions exceptionnelles : pas de vent ,pas de froid ,pas de chaleur ... " Un grand jour , le jour où jamais . Faut rien lâcher . Devant , il sont capables d'aller taquiner le record du monde que j'me dis .
Roland Garros . Déjà ?? J' ai raté le trocadéro et la tour Eiffel . Je suis dans ma bulle . Totalement dans la course . Ma cuisse droite se contracte imperceptiblement en haut . Mais ...plus de pastille de sel .Pourvu que ça tienne !!! On vire à angle droit . 35 ième et toujours pas de mur . Mais la sensation de tutoyer les étoiles n'est plus là . La foulée se fait plus laborieuse , moins aérienne . Et pourtant je ramasse des paquets de gars complètement à la rue . Un gars se porte à ma hauteur , doit mesurer 1m 60,très rablé , il me dépasse , m'avale impitoyablement . Je lis sur son dossard : Joël , il disparaît .
J' ai moins les jambes . Je commence à penser qu'il va falloir gérer . Calcul .Combien je peux lâcher pour rester sous les 3 heures ??? La côte des fortifs .
Tiens ? Joël ... arrêté . Je ne sais pas pourquoi , je lui parle , l'encourage en l'appelant par son prénom et lui dit que c'est pas le moment de planter si prêt du but . Il me regarde , mi hagard , mi- reconnaissant et attrape ma foulée en me demandant sur quelles bases on est : je lui répond 2 h 50 / 2 h 55 . On fait deux kilomètres ensemble.
On ne se parle plus . On ne se reverra jamais . J'ai l'impression (peut être fausse ) qu'il s'accroche à moi comme je m'accroche à lui .Saloperies de virages . Le bois de Boulogne , je croyais que c'était l 'arrivée . ..c'est interminable ; ça n'en finit pas de tourner . Un péquin en tablier , planté au milieu de la chaussée nous tend un verre de Beaujolais !!! Incongru . Pas beaucoup de succès dans les rangs . 40ième . Joël me dépose pour la deuxième fois ...et définitivement . En quelques secondes il est loin . Je ne vois pas le ravito . Trop tard de toutes façons .Vision trouble . Vertiges . Il me reste un peu de boisson énergétique dans une gourde . Je l'avale maladroitement , de travers . Je crache . Je fais tomber ma gourde . Tant pis ! Je ne la ramasse pas . Je me ravise ... si !! Je la récupère à 4 pattes . Le type qui suit me percute du genou . Bredouille des excuses sur son manque de lucidité . Moi, je suis au fond du trou . Si c'est pas le mur , ça y ressemble ! Le marathon est en train de m'écraser , comme une merde . Comment expliquer avec des mots à ceux qui n'ont pas pris le mur dans la gueule ?? A 2 kilomètres près , je le passais ce marathon . Gérer , Gérer .Gérer ! Je suis encore dans les temps ! Je ne vois plus personne . Ca descend tout le temps maintenant et je suis à 5' au kilo ... Pas grave . Je cours encore . Je pense au gars blessé ,sanglotant contre un arbre quelques minutes avant . Je pense aux séances d'entraînement sous la pluie des semaines précédentes . Je me disais qu'elles feraient la différence à la fin . ( Pas suffisant encore !!!... ) T'as pas fait tout ça pour rien ??!! Ne rien lâcher .Une grimace , un rictus . C'est pas de la frime pour le public . Je m'arrache à chaque foulée . Je pèse des tonnes . La pancarte PARIS !!! Un rond-point : le dernier ... Les barrières . Des policiers . La foule de nouveau.
Et là , tout de suite , étonnamment rapidement mais loin quand même le portique d'arrivée . C'est large , ça descend . D'un seul coup , il n'y a plus personne devant moi . Je vais passer la ligne en solitaire , ça va être géant . Les appareils photo braqués sur moi !!! lol. C'est fou les conneries qui te traversent la tête . Une vague d'au moins 10 types beaucoup plus frais me double . Où sont passés mon amour propre et ma pointe de vitesse ??? Pas la force où la bêtise de sprinter pour gagner 5 secondes comme je le ferais parfois . Dérisoire après un si long effort ... Et ça y est ! C'est finit . Un coup d'oeil à la montre : 2 H 52 ' 23 '' .
Explosé la barrière mythique . Même dans mes rêves les plus fous .... 46 minutes gagnées par rapport à mon premier marathon couru l'an passé ! Cette distance révèle décidément bien des surprises . Je suis très serein . Je grelote de froid maintenant sous mon poncho .Un cortège funèbre de poncho noirs avec des yeux hallucinés . Manger, manger , retourner une troisième fois .Le massage . Quel pied !! Les crampes sur la table , elles peuvent arriver , maintenant .Les chaussures , je préfère pas les enlever : peur de ce que je vais découvrir !! On verra ce soir à la maison ... Les bénévoles nous félicitent . Pas la présence d'esprit de leur retourner les félicitations qu'ils méritent plus que nous . 15 minutes au moins pour me changer , maladroitement. J' ai du mal à réaliser , à extérioriser . Personne de connu ,encore ,avec qui partager . Et puis les potes d'entraînement vont arriver ...plus tard .. explosant eux aussi leurs chronos . Les visages de certains sont marqués mais dans les yeux il y a l'étincelle qu'on partage avec tous ceux qui franchissent la ligne . Je voudrais que le temps ne s'arrête pas . Allongés sur les pelouses de l'avenue Foch , on récupère . On pourrait passer la nuit à se raconter la course . C'est quand le prochain ??????????

Marathon De Paris par Emma Peel (membre) (194.117.218.xxx) le 13/04/06 à 18:50:29

Et voilà je pleure.

Whaaaawwwww.....

Emma

Marathon De Paris par (invité) (86.205.200.xxx) le 13/04/06 à 18:54:26

8h30 : Après passage au vestiaire, on se dirige vers le sas correspondant à notre objectif (3h30). Mais avant ça, François en profite pour aller se soulager comme beaucoup d’autres sur la grille d’une propriété en haut des Champs Elysées… Après cet intermède, on rentre dans le sas, qui est déjà bien plein. On aperçoit une vingtaine de mètres devant nous les ballons bleus, attachés au meneurs d’allure 3h30 (coureurs expérimentés qui sont censés courir pile poil en 3h30 à un rythme régulier).

15 min d’attente avant le départ. Il fait frisquet mais le soleil est là. La pression monte, et dans la vessie aussi… Mais trop tard pour sortir du sas pour aller se soulager !

8h45 : 5…4…3 la foule crie le décompte ! Chacun jette son sac poubelle, son poncho, son sweat qu’il gardait jusque là pour ne pas attraper froid. Idem avec les bouteilles et les rations d’attente (bananes, fruits secs, barres de céréales….). Tout ça reste par terre, sur la « plus belle avenue du monde… »… 2…1… ZERO !!!
Ca y est c’est parti !!! Bon, sauf que 32000 personnes peuvent pas toutes partir au coup de feu, alors on attend notre tour… On avance de 5 mètres, et on s’arrête. On avance de 5 mètres, et on s’arrête. Par terre, c’est Beyrouth. Des sacs poubelles, des bouteilles plastique, des détritus en tous genres, des pulls… Je remarque que certaines bouteilles ont une coloration douteuse… Y’en a pour qui visiblement c’est pas le 1er marathon et qui ont l’habitude de gérer leurs petites envies comme ça…
C’est parti depuis plusieurs minutes, et enfin on franchit l’arche de départ, en trottinant à petite vitesse. Ca descend un peu jusqu’à la Concorde, et la densité de coureurs au m2 est impressionnante. Il faut faire attention partout. Par terre pour ne pas glisser ou marcher sur une cochonnerie, devant pour ne pas piétiner ceux qui nous précèdent, en haut pour faire coucou à la caméra de France3. L’allure est encore modeste, c’est le bon moment pour aller se soulager. Hop 500 m après le départ, on décide avec François de partir vers un parterre de fleurs qu’une dizaine de coureurs arrosent déjà. Après cette pause technique, ça repart. On a perdu du terrain sur les ballons bleus, qui sont maintenant au moins 300 m devant nous.

Km 0,7 : On aperçoit le drapeau de nos supporters. Un petit coucou en courant, une petite photo, et je laisse à ma coach mon bob jaune.
Km1,5 : Place de la Concorde. La foule est dense. On se perd de vue avec François. Est-ce qu’il est devant, derrière, à droite, à gauche ? J’essaye de le trouver pendant qu’on enchaîne sur la rue de Rivoli. Sans succès. Je suis donc le rythme imposé par le troupeau.
Km 4 : Je commence à être chaud, mais je trouve que ça n’avance pas assez. Comme d’autres j’essaye de zigzaguer un peu, de courir un peu sur les trottoirs pour remonter plus vite. Mais ça demande pas mal de débauches d’énergie inutile. Je me recale dans le troupeau en espérant que ça se fluidifie par la suite.
Km 5.6 : 1er ravitaillement à Bastille. Un bordel monstre. Certains se ruent sur les boissons, fruits, etc en coupant sans regarder, d’autres ne veulent pas ravitailler. Ca se bouscule, il faut être hyper vigilant. J’avais prévu une petite bouteille dans chaque main pour zapper ce 1er ravitaillement. Bonne idée, ça m’évite de participer à la bousculade et je regagne un peu sur les ballons bleus. Ils ne sont pas loin, 200 mètres devant, mais avec tout ce monde il faut gagner mètre par mètre, en se faufilant entre des coureurs. Périlleux. Je bois régulièrement (trop) et mange 2 barres Ovomaltine.
Km 8 : J’ai un point de côté. Sans doute parce que j’ai trop bu. Pas grave, l’allure est cool, je suis à l’aise dans mes baskets. Ca passe rapidement.
Km 9 : Avant l’entrée dans le bois de Vincennes, j’aperçois le drapeau du Stade Français, celui de nos supporters. Ca correspond au point qu’on s’était fixé, je me rapproche du côté droit, je vois le drapeau qui s’approche et j’allais sortir une connerie, quand je m’aperçois que c’est une gamine qui tient ce drapeau. D’autres ont eu la même idée pour se reconnaître…

Km10 : 12,3 km/h de moyenne
De nouveau le drapeau Bleu et Rouge du Stade Français qui s’agite tout à gauche. Problème, je suis tout à droite. Je traverse toute la largeur de la route, c’est assez dangereux, mais j’arrive à temps pour saluer mes supporters. Qui me demandent : « il est où François ??? »
Et bien j’en sais rien ! Finalement il passera avec 2 min de retard.

Jusqu’au Km 20, petite boucle dans le bois de Vincennes. Petit à petit je grignote mon retard sur les ballons bleus, au prix d’efforts injustifiés. Je suis encore tranquille, pas de fatigue. Un petit point de côté vers le km 15, mais rien de grave. Y’a des animations tous les 500 m sur le parcours, des orchestres, des groupes de musique en tous genres, des animations publicitaires. Bref, c’est bien sympa et comme ça va pas trop vite je profite de l’ambiance.

Km 21.1 : Passage du semi, en 1h 43. 12,3 km/h de moyenne.
Je suis parvenu 20 mètres derrière les ballons bleus. Quelques mètres plus loin, de nouveau mes pom-pom girls sont là avec le drapeau bleu et rouge pour applaudir. Je leur lance une vanne et leur dit que « jusqu’ici, tout va bien ». La foule de spectateurs est plus dense, et ça bouchonne même en arrivant sur l’avenue Daumesnil, on piétine pendant 30 sec. Je reste englué dans le trafic, j’aimerais bien accélérer mais décidément ça ne se fluidifie pas. Je profite des trottoirs de l’avenue pour dépasser le groupe formé derrière les ballons bleus, pour m’apercevoir que 50 mètres devant, il y a encore un groupe avec des ballons bleus…
François passera avec 4 min de retard.

Km 25 : On arrive sur les Quais. J’arrive enfin, péniblement et après beaucoup d’efforts en jouant des coudes, à doubler le 1er groupe de ballons bleus. Tout va bien, je suis donc dans l’allure pour finir en 3h30. Hormis une petite douleur qui fait son apparition sur le genou droit, RAS. J’ai la pêche. Je profite du premier tunnel pour accélérer, maintenant que la voie est moins encombrée (tout est relatif…). Ca chante dans la foule de coureurs « on est pas fatigués », et l’écho amplifie tout sous le tunnel…
Retour sur les quais à l’air libre, avec un stand de produits régionaux bretons. Désolé, mais la dégustation d’huîtres attendra (je vois 2 coureurs qui sont arrêtés et en mangent…)

Km 30 : 2h26 de course. 12,4 km/h de moyenne.
Ca fait déjà 35 min de plus que mon entraînement le plus long. Je commence à avoir chaud, à sentir la fatigue. Je ne regarde plus sur les côtés pour voir si un drapeau bleu et rouge s’agite… Je jette par contre un coup d’œil derrière. Pas de ballons bleus en vue, j’ai dû prendre 2 ou 3 min d’avance avec cette petite accélération sur les quais.
Ca fait un bout de temps que je ne me suis pas ravitaillé, j’en profite pour prendre du sucre et de l’eau avant d’attaquer les 12 derniers km. Je me dis « Allez, plus qu’une heure » et en même temps je me dis « Et dire que les 1ers sont arrivés depuis plus d’un quart d’heure… »

Km 31… : Tiens, ce kilomètre m’a semblé bien long…

Km 32 : Mais c’est quoi le problème, ils ont allongé les km ou quoi ? Ca me semble beaucoup plus long tout d’un coup… Autour de moi, de plus en plus d’éclopés, de plus en plus de gens qui marchent… Je garde tout de même un bon rythme. Je vois un stand avec des éponges humides, que j’ignore pour ne pas perdre de temps. Mais un peu plus loin, un coureur qui avait récupéré plein d’éponges m’en tend une. Sympa. Je le remercie et apprécie vraiment la fraîcheur sur mon front, ça fait beaucoup de bien.

Km 33 : Les jambes durcissent… lentement mais sûrement. C’est pas le moment de flancher. Toujours du 12 km/h, 5 min au km.

Km 34 : Ca devient dur. Je ralentis un peu… je dois faire du 10 ou 11 km/h. Le béton est en train de prendre dans mes jambes. C’est la tête qui commence à courir. (d’ailleurs pour m’aider je me dis : « allez c’est pas des pieds au bout de tes jambes, c’est des têtes… et mentalement je m’impose un rythme pour mes foulées.. boum boum… boum boum… boum boum… pied droit pied gauche… boum boum.. pied droit pied gauche…). La douleur au genou s’est amplifiée, mais c’est bien le cadet de mes soucis.

Km 35 : Les jambes sont dures. C’est pénible. Je dois être à 10 km/h. Là je me dis qu’il faut être con quand même pour se faire mal comme ça. Pendant un quart de seconde, je doute. J’ai envie de marcher. Et c’est là que je repense à toutes les mauvaises langues... Bon sang je vais leur montrer que je vais le finir en 3h30 ce marathon ! Je continue à grimacer un peu, je me retourne et j’aperçois 200 mètres derrière les ballons bleus qui me rattrapent lentement mais sûrement !
Au ravitaillement, beaucoup s’arrêtent pour marcher un peu. Mais pas moi, bon sang ! Je vais le finir sans avoir marché, rien qu’en courant !

Km 36 : Je me fais mal pour garder un bon rythme, je serre les poings en courant, mais je perds encore du terrain sur les ballons bleus…

Km 37 : Une petite vieille d’1m50 et au moins 55 ans me double. Nooooon… Hors de question ! Je m’accroche et je reprends du poil de la bête. Mais ça ne suffit pas, les ballons se rapprochent encore, ils sont tout prêts… 30 ou 40 mètres derrière.

Km 38 : C’est la misère parmi les coureurs, c’est dur mais quand je vois tous ceux qui marchent, qui s’étirent sur le côté, et certains qui vomissent leurs tripes, je me dis que je suis pas si mal que ça finalement. D’ailleurs je double de plus en plus de coureurs. Ca me motive, et j’ai stabilisé l’écart avec le troupeau des 3h30 emmenés par les meneurs d’allure. Mais guère plus que 50 mètres d’avance.

Km 39 : Ca sent la fin ! J’ai retrouvé un bon rythme, j’oublie la douleur, j’ai repris un peu mes distances avec les ballons bleus. Mais qu’ils sont longs ces derniers km… D’ailleurs depuis le km 35 je ne compte plus en km mais en temps qu’il me reste à courir.

Km 40 : Je sais que je le tiens, ce marathon. Reste à savoir si je vais franchir la barre des 3h30.

Km 41 : Je me sens des ailes. J’accélère un peu… 13 km/h… Les spectateurs sont de plus en plus nombreux, à encourager et applaudir tous ces maso…

Km 42 : Allez, un dernier effort, le dernier km ! J’ai retrouvé mes jambes du 1er km.

Entrée sur l’avenue Foch. Plus que 200 mètres ! Un coup d’œil derrière : les ballons bleus ne me rattraperont pas, ils sont à au moins 150 m derrière, je serai devant eux. Mais je me dis « Et si les meneurs d’allure mettaient finalement 3h31 ou 3h32… » Ca va peut-être se jouer à quelques secondes. Je jette tout ce qu’il me reste pour un sprint de folie… Je gagne au moins 50 places ! Je me rends compte que malgré un passage difficile vers le km35, il me reste finalement pas mal de forces. C’est que du bonheur ! Je dois pas être loin des 20km/h sur cette dernière ligne droite, porté par le peuple parisien qui hurle mon prénom (bon j’déconne…j’avais pas fixé mon dossard publicitaire avec mon prénom sur le dos !).

Km 42,195 : La délivrance. Je l’ai fait. Je jette un coup d’œil au chrono. 3h35. Sachant que j’ai réellement franchi la ligne de départ avec plusieurs minutes de retard… Ca va être serré pour la barre des 3h30, il faudra que j’attende d’aller voir les résultats sur internet pour voir mon temps réel. Mais en fait je m’en fous un peu, je suis dans un état quasi-extatique. Malgré une mauvaise préparation, malgré mes débuts en course à pied il y a 6 mois (après m’être inscrit !), malgré tous ceux qui ne croyaient pas en moi, malgré les 10 derniers km aussi longs que les 32 premiers, je l’ai fait. Trop trop bon !!!
Je fais partie de la confrérie des maso du bitume.
J’ai du mal à marcher après ce sprint terrible où j’ai tout lâché. J’avance, c’est bien organisé à l’arrivée. On rend la puce électronique. On avance, on reçoit une belle médaille. On avance, on nous remet un poncho noir. Au début je ne le mets pas mais je vois que tout le monde autour sans exception le met. C’est sûr que je n’ai pas encore froid, mais il ne fait que 10°C. Je l’enfile aussi, et m’intègre à cette étrange procession de visages fatigués. Tous ces coureurs en poncho noir qui marchent lentement, ça me fait penser à une bande de pingouins qui portent un deuil.

On avance… Des stands avec des massages, des ravitaillements… Pour moi, juste un petit verre de jus d’orange, et je rejoins le vestiaire. J’enfile quelques affaires de rechange, et je rejoins mes supporters.
François arrive 20 min après. Il l’a fait. Mais il a morflé le blondinet. Sur la 2ème moitié il a marché aux ravitaillements… et galéré, tout simplement ! Il a connu le mur du 30ème km, il se l’est mangé en pleine poire. Moi je n’ai fait que l’effleurer vers les km 34 – 35. Et c’était bien suffisant.

Une petite photo-souvenir avec notre médaille devant l’arc de triomphe, et arrive la conclusion. Enfin presque…

Maintenant que je suis froid, la douleur au genou me lance… Galère pour les escaliers du métro ! J’ai encore chopé une sacrée tendinite. Aïe….

Retour chez mon frangin, qui m’annonce alors que je file sous la douche : Temps réel : 3h28 ! YES !!! 12,2 km/h de moyenne.

RDV dans 2 ou 3 ans pour un nouveau marathon, qui sait, mais cette fois avec un meilleur entraînement je viserai la barre mythique des 3h !

Le lendemain, les muscles sont un peu raides mais franchement je m’attendais à pire. Je ne me sens pas fatigué. D’ailleurs Philippe me fait remarquer que j’ai l’air plus en forme que certains matins… ;-) J’ai juste encore le genou qui fait mal… L’affaire de 2 ou 3 jours… Et puis plus de course à pied pendant quelques semaines pour que ça disparaisse totalement.
Finalement c’est peu de douleur pour ce que j’ai gagné de souvenirs pour ce 30ème anniversaire du Marathon de Paris.

Marathon De Paris par platdétain (invité) (86.214.136.xxx) le 13/04/06 à 19:13:45

Merci pour ton récit .
Impressionnant de voir qu' on partage tous les mêmes sensations à tous les étages de la course . ca doit être ça une confrérie ???

Marathon De Paris par momoVH3 (invité) (86.219.190.xxx) le 13/04/06 à 21:11:00

Bravo à vous, vos descriptions sont tellement vraaaaies. Quel marathonien n'est pas passé par là? Félicitations

Marathon De Paris par aleksi (membre) (89.83.228.xxx) le 13/04/06 à 23:45:42

cool, ton CR, "invité".
C'est marrant, j'avais l'impression de lire exactement ma course! Exactement les mêmes sensation aux mêmes moments. Le km35 m'a paru plus dur que le 38-39 par exemple, comme toi. (mais j'ai mis 5 minutes de +)

merci d'avoir écrit "mon" CR ! ;-)

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