La Sainté Lyon

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La Sainté Lyon par poivrine (invité)

Le raid Saint-Étienne – Lyon. La Sainté. Raid nocturne de 64 km, seul, par deux, trois ou quatre. Dimanche 8 décembre, départ à minuit.

« Martine m’avait dit : « Viens faire la Sainté, tu verras, c’est super. Ça se court la nuit. »
J’y suis allé, et j’ai vu ! Ou plutôt, non, je n’ai rien vu, car lorsqu’elle m’a passé sa lampe frontale à 2 h20 du matin pour accomplir mon parcours sur le troisième relais, les piles qui donnaient des signes de faiblesse se sont éteintes complètement.
Comme la prévoyance n’est pas la qualité première de ma nature et que les piles de rechange étaient dans une autre veste que celle que je portais pour la course, je suis passé d’un coup de la catégorie VH3 à celle d’handicapé non voyant, sans guide !
Bon, cela aurait pu n’être qu’un moindre mal si la course s’était déroulée sur une route bordée de lampadaires, ou sous une jolie lune, bien pleine, qui aurait ponctué chacune de mes foulées de son « Oh ! »admiratif . Mais non ! La Sainté, c’est du chemin, plutôt boueux, avec un petit peu d’asphalte pour rallier les villages relais . Cette nuit là la lune et les étoiles avaient déposé un préavis de grève pour cause de fête des lumières à Lyon.
Mon premier contact avec le chemin a été rude : caillou, genou, boue ! De tout mon long dans une flaque. Même pas eu le temps de m’échauffer que j’étais déjà tout mouillé, tout crotté ! Maman ! Qu ‘est-ce que je fais là ?
Mais où est-il ce chemin ? A droite, devant, derrière ? Avance toujours tu verras bien. Pan ! Une branche sur le visage ! Cette lueur plus claire au sol… c’est peut-être du gravier ? Raté, c’est de la glaise ! Glisse, mon vieux, sur ta belle veste orange et bleue d’entraînement. Oublie ta frontale, elle ne fonctionne pas.
-T’as pas des piles ?
-Non, merde, c’est bête pour toi.
Je me sens l’âme d’un SDF : T’as pas 100 piles ?
Bon je vais te suivre, mon bonhomme.
C’est un peu mieux, mais …attends-moi ! Attends-moi !Oh !Ami, que n’as-tu une autre lampe sur l’arrière de ton crâne pour éclairer, non seulement tes pas, mais les miens également. Tant pis, file bonhomme dans le noir.
Mais à quoi dois-je ressembler ? Je cours les bras en avant pour éviter les branches et en levant les pieds pour ne pas trébucher. Est-ce encore de la course ou plutôt un dandinement bondissant style Quasimodo !
- T’as pas des piles ?
- Houmph !
Cours moins vite, mon ami, attends-moi, sois mon phare, ma luciole, mon étoile du berger, mon bec de gaz, ma lanterne magique, mon poisson pilote, mon éclaireur, mon feu tricolore, mon cataphote, mais je t’en supplie ne m’abandonne pas dans le noir…J’ai peur !
Dix kilomètres à chercher mon chemin du bout des doigts, du bout des pieds, du bout du nez en traversant une cour de ferme fleurant bon le purin, en me raccrochant de temps en temps aux lanternes magiques qui condescendaient à me supporter quelques instants, avant de disparaître comme des lutins facétieux et sautillants dans la nuit
Mais que vois-je ? Un ravitaillement et un camion de pompiers, avec des pompiers ! C’est Noël !
-Vous n’avez pas des piles ?
-Si.
Comme ce « Si » est doux à entendre ! Je l’aurais embrassé ce brave pompier volontaire, avec sa casquette et sa moustache, magnifique pompier de calendrier de fin d’année !
Il défait le capuchon de la frontale qui fait le contact avec les piles … et …il le laisse tomber !
Attends, il a dû rouler sous le camion !
Nous sommes deux, à genoux, le pompier et moi, cherchant sur le goudron noir, dans une nuit très noire, un petit objet noir. Et malgré les grosses lampes, malgré un autre pompier qui se glisse à quatre pattes avec nous, nous n’avons rien trouvé !
Tant pis ! J’y vais, les copains doivent m’attendre.
Heureusement la fin était plus carrossable. Je ne t’en veux pas brave pompier. Ce n’est pas ta faute. Cette nuit-là, c’était pas mon jour.
Quand j’ai enfin passé le relais au quatrième, les deux autres m’ont demandé : « Mais qu’est-ce que tu as foutu ? On s’est fait de la bile ! »
C’est « Pile ! » que j’ai entendu !
Blague à part, la Sainté, j’y retournerai.
Ça doit être beau à la lumière ! »

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