A la recherche du mur perdu

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A la recherche du mur perdu par Veufre (invité) (83.199.242.xxx) le 18/04/10 à 17:36:48

Récit de course du Marathon de Paris - 11 avril 2010

Je cours depuis 3 ans, c’est mon premier Marathon. Je m’étais promis d’en courir un, à condition de le boucler en moins de 4 heures. J’aurai peut être pu le faire l’année dernière, mais par manque de temps de référence sur semi et peux être aussi par manque d’entrainement suffisant, j’ai préféré reporter à cette année. Il est 5 heures, c’est le jour J. Je m’éveille par une belle journée.

Je suis impatient et interrogatif à la fois ce dimanche matin. J’ai déterminé un objectif de 5’19/km, soit 3h45min, sur la base de mes temps au semi. J’ai calé mon entrainement des trois derniers mois sur cet objectif, sans ressentir (trop) de fatigue, malgré le boulot, plutôt intense, et sans me blesser. Seules quelques crampes nocturnes au mollet, soignées par une cure de magnésium, ont perturbé mon sommeil en fin de préparation.

Est-ce le bon objectif ? Vais-je pouvoir le tenir ? J’aurai bientôt la réponse à ces questions.

Je prends le petit déjeuné habituel (un café très léger, 1 yaourt, une pomme, une tranche de pain et quelques nouilles restant du repas de la veille au soir). Je n’improvise rien aujourd’hui. Je quitte la maison plutôt confiant, avec l’objectif de tenir une allure constante de 5’19 /km.

Je pénètre dans le sas 3h45 une vingtaine de minutes avant le top départ. Sur place, la température atteint 10°C, alors que la météo prévoyait 3°C la veille au soir. Dommage, je me suis habillé pour 3° C ! Le coupe vent, certes très léger, est probablement inutile, voire pénalisant au dessus du teeshirt. Le Camelback au dos, la carte orange et la carte bancaire en poche m’imposent de garder la deuxième couche. Logiquement, la plupart des coureurs sont vêtus d’une seule couche.

Le départ est donné à l’heure, à 8h45. C’est très fluide. Les 35 000 coureurs s’écoulent aisément, plus facilement que lors du départ du semi de Paris, couru 1 mois plus tôt. Les Champs sont en descente, l’allure est d’emblée rapide. Je peine à la réguler. Les quatre premiers kilomètres sont parcourus à 5'15, 5'25, 5'13, 5'10 et 5'07. J’ai conscience que c’est trop rapide, mais les sensations sont très bonnes, et la confiance est là. Je maintiens l’allure en sachant pertinemment que c’est potentiellement l’erreur du débutant qui peut conduire à l'explosion avant le finish. Pour autant, je laisse s’échapper le meneur d’allure 3h45 qui tourne quant à lui plus vite encore. Je pense au meneur d’allure 1h45 sur le semi de Boulogne qui à bouclé la course avec 10’ d’avance, en laissant du monde sur le tapis. Mon GPS indique un écart très significatif de la distance parcourue dès le 7ième kilomètre : + 200 m : je zigzague et ne suis pas la ligne bleue optimale. Il fait chaud, souhaitons que ça ne devienne pas gênant. Au 5ième kilomètre, à l’émission des bips au passage des tapis mesurant les temps intermédiaires, je me souviens avoir choisi de diffuser mes temps de passage par SMS sur deux portables : ceux de Dominique et Foru. Que font-ils en ce moment ? Où sont-ils ? Plus tard, ils me diront que ça a fonctionné.

Je bois très régulièrement quelques gorgées et passe le KM 10, aisément. Mentalement, j’imagine l’effort restant à produire, je suis serein, le cardio suit et la mécanique aussi, ce qui me motive à maintenir une allure légèrement plus élevée que l’allure ciblée. Le Château de Vincennes se détache magnifiquement sur un ciel bleu azur ensoleillé. Je suis préoccupé par la température ambiante qui monte. Ne vais-je pas payer tôt ou tard mon allure optimiste et ma seconde couche de vêtement, inappropriée ?

Le 13ième km est bouclé dans le bois de Vincennes. Il amorce un retour sur Paris. Une longue descente s’engage, facile, propice au repos et à la détente. Je suis toujours en avance sur l’allure, stable à 5’15 /km. L’écart de distance continue à se creuser. J’en ai sous le pied, je suis « en avance », je n’appuie pas plus, la course est encore longue. Je passe un ravitaillement, j’arrache une bouteille d’eau et arrose largement la casquette, que je garde en main quelques temps avant de la reposer sur la tête. Le semi de Boulogne, sous le soleil également, m’avait appris à ne pas rechausser immédiatement la casquette juste après l’avoir arrosée, sous peine de provoquer une transition chaud-froid très désagréable sur le crâne. Je sirote régulièrement deux gorgées isotoniques du Camelback : de l’eau mélangée à une poudre Hydra machin composée de maltodextrine (poudre constituée de différents sucres, glucose, maltose, maltotriose, …) et de sel. Je prends avec une petite hésitation une petite poignée de raisins secs. Vais-je les digérer correctement ?

De retour dans Paris, je maintiens l'allure et passe le semi avec 700 m de retard au GPS ! Je me souviens avoir lu "vous devez passer le semi" avec un sentiment de relative aisance. C'est le cas, pourtant la température augmente toujours. Sans être encore gênante, elle atteint un niveau qu’elle n’avait jamais atteint lors de la préparation. J’entame un 3ième ou 4ième tube de gel, toujours accompagné d’une à deux gorgée d'eau. La forme est toujours bonne, je suis confiant. J’apprécie la musique dans les oreilles, pas trop forte, pour garder une ouverture sur l’extérieur tout en préservant le contact avec moi-même et bien écouter mon corps.

Au passage du 26ième km, j’entre en terra incognita. Jamais je n'ai couru une si longue distance de ma vie, même lors de la préparation pendant laquelle j’ai couru 25 km tout au plus, dont une fraction seulement à allure Marathon. A cet instant, je pense avoir lu "on aimerait que ça s'arrête ici, mais en fait, tout va commencer ici. Vais-je me cogner le mur ? dans combien de temps ? le 30ième km approche. Tout peut basculer. Je maintiens toujours les 5'15 /km en collant le meneur d'allure 3h45 que j’avais en ligne de mire depuis quelque temps. Je m’impose de ne pas le lâcher. La tour Eiffel, sous le soleil, plein sud, est magnifique. A la hauteur de la Maison de la Radio, je balaie de vue les abords, Nico en scooter doit être dans les parages, … personne. Je trempe la casquette dans de grandes bassines remplies d’eau. Je le ferai plusieurs fois jusqu’à l’arrivée.

Les BPM commencent à grimper, j’entre en résistance dure, 90% de FCM. Le meneur d'allure est à moins de 5'19 /km. Je capte une discussion, lors de laquelle il motive ses troupes pour la montée qui va arriver. Aïe. Je suis en aisance cardio, mais les premières tensions musculaires apparaissent aux quadriceps. Jusqu'ici, je ne sentais aucune douleur. Je l’avais lu et le constate maintenant : sur Marathon, les premières limitations sont musculaires avant d’être cardiaques. Je crains toujours de cogner le mur.

KM 34, l’arrivée est encore loin. Pour m’aider, je pense à un parcours habituel de 10Km à l’entrainement, et me dis que c'est plus que la distance qui reste à parcourir, ça m'aide. La montée annoncée s'amorce. Je jette un œil sur le dénivelé au poignet, le tracé le confirme : le dernier tiers du parcours est plutôt pentu. Que va donner le mixe pente, soleil, douleur musculaire ? Bien que toujours invisible, le mur approche t’il ?

A partir du KM36, le nombre de marcheurs augmente, on ne compte plus les coureurs arrêtés, en train de s'étirer, frappés par les premières crampes. La douleur dans les cuisses avant est maintenant constante, mais très supportable. En plus du soleil, un petit vent heureusement de côté vient corser la chose. Mon allure moyenne est maintenant plutôt à 5'17" /km, avec un écart mesuré de plusieurs 100aines de mètres entre la distance officielle et la distance GPS. Les pompiers nous arrosent aves leurs lances à incendie. Je passe sous la pluie artificielle. C’est agréable.

Dans le bois de Boulogne, un coureur est allongé sur le dos, en plein soleil sous assistance de la Croix Rouge. De mauvaises pensées passagères me traversent l’esprit : lors du semi de Paris, 5 semaines plus tôt, un homme s’est arrêté de courir à 3 km de l’arrivée, malgré la réanimation cardiaque. Je cherche Foru, en vain.

Au KM38, la pente, le soleil et le vent ne facilitent pas la tâche : pour la seconde fois, je laisse filer le meneur d'allure 3h45 que je talonnais jusqu’alors. Si prêt du but, la vue de tous ces coureurs arrêtés, frappés par les crampes, me donne des frissons : comme eux, j'ai peur de devoir m’arrêter là. Je ressens dans la jambe gauche une crampe furtive au mollet, je sens le muscle se raidir. Je crains le pire, j’ai peur de devoir stopper ici l’effort lorsque la crampe va se déclencher brutalement. Je ne veux pas y penser. Je bois pour oublier cette satanée crampe latente, sur le point de tétaniser maintenant toute la jambe gauche, comme ce malheureux coureur allongé, sur le dos, la jambe en l'air, en train de se faire soulager par un massage du mollet. Je ne regarde plus le chrono, je veux finir.

La ligne d’arrivée approchant, les encouragements aidant, l’inconfort dans la jambe gauche s'estompe finalement au KM 41. Je touche le but. Je vais le boucler.

Au KM 42, le GPS indique KM43. J’ai parcourus 1 KM en zigzaguant de part et d’autre de la ligne bleue.

La place Dauphine est en vue. J'ai en tête les images de l'arrivée féminine, ici même en 2008, et la magistrale remontée de Marta Komu. Je sais que l'arrivée est 200 m derrière le rond point. Je vais terminer mon premier Marathon, les sanglots montent, mais ne sortent pas, probablement parce que devant moi, un vieux monsieur court, courbé, mais décidé ; respect, Je ne le dépasse pas, il passe la ligne juste devant moi en 3h46. Je le félicite derrière la ligne d’arrivée. Il me dit qu'à partir du KM36, il a couru "avec la tête". Chapeau bas.

Je rends la puce, je prends un quartier d’orange et un peu d’eau, je récupère le poncho, je l’enfile pour ne pas prendre froid et récupère un tee shirt « I’m a Finisher ». Probablement n’ai-je jamais effectué un effort si intense de ma vie, pourtant, je suis en forme malgré les 38881 foulées et les 3300 calories dépensées. Je rejoins ma famille qui m’attend avec les copains quelques centaines de mètres plus loin. Merci à eux.

Ce que je retiens :

• 5'16 / km ... mais 43 km parcourus, au lieu de 42,195. La prochaine fois, je suivrai la ligne bleue ! Très content, sur 42 KM, ça fait 1h42 ! versus 1h45, on se contente comme on peu. A retenir pour le prochain Marathon
• Pas de mur ! Ouf (évité de justesse, Cf Crampe ???)
• Couru à 87% FCM
• Plan d’entrainement plutôt efficace, j’aurai peut être du effectuer ma sortie longue plus tard, ou alors la faire plus longue pour atteindre 2h30/2h45, ou alors en faire une de plus.
• Bonne diététique préparatoire, notamment les 3 jours précédents le Marathon : Pratiquement des sucres lents à tous les repas, avec 2 litres d’eau / jour au moins.
• Bonne gestion diététique en course, autonome avec le sac à eau sur le dos. A refaire
• J’ai mes repères de temps pour 10km, semi et Marathon, ça m’aura pris 3 ans.
• Je suis prêt à recourir le Marathon.

A la recherche du mur perdu par AshDown (membre) (90.37.42.xxx) le 18/04/10 à 19:48:54

BAh.. bravo. j'ai couru mon premier semi marathon ce matin en 1H45 et franchement... ca fait flipper d'imaginer faire le double.

Félicitation, bon préparation visiblement tant morale que physique.

A la recherche du mur perdu par (invité) (82.122.217.xxx) le 18/04/10 à 19:52:04

J'aime !!!

Félicitations

A la recherche du mur perdu par Invité (invité) (80.12.110.xxx) le 19/04/10 à 15:27:54

J'aime aussi...
Bravo !

Juste une question : Quel est ton age ?

A la recherche du mur perdu par JC de Londres (invité) (212.44.42.xxx) le 19/04/10 à 15:32:12

Ben je crois que tu as tout compris!!!

Super lecture.

Je cours ce Dimanche celui de Londres, on verra!

JC

A la recherche du mur perdu par Meven (membre) (91.151.77.xxx) le 19/04/10 à 15:37:31

Beau récit. Félicitation.

A la recherche du mur perdu par Montaigne ™ (membre) (90.44.119.xxx) le 19/04/10 à 16:49:11

Beau titre, beau récit.
Bien écrit, sobre, précis, non larmoyant, sans épanchement inutile.
Que du bon. On en redemande.

A la recherche du mur perdu par (invité) (84.102.241.xxx) le 19/04/10 à 16:52:18

et toi Montaigne, tu as perdu ta plume, toi le meilleur écrivain françois qui eussent oncques esté

A la recherche du mur perdu par patoche (invité) (90.21.109.xxx) le 19/04/10 à 17:07:26

Merci pour ce compte-rendu. C'était super sympa à lire. Belle course et bel état d'esprit. Bravo!

A la recherche du mur perdu par jc (invité) (82.248.133.xxx) le 19/04/10 à 17:16:13

Sympa le récit.
Ah, le mental, y'a que ça qui compte sur marathon ! -))

A la recherche du mur perdu par nina (invité) (90.56.135.xxx) le 19/04/10 à 17:21:46

bien ecrit , agreable a lire et bravo pour ce 1 er marathon

A la recherche du mur perdu par Francois01 (invité) (78.227.44.xxx) le 19/04/10 à 18:54:39

Bonjour et bravo pour ce beau résumé très agréable à lire.
J'ai retrouvé beaucoup de similitudes avec ma propre expérience.Par contre j'ai plus souffert que toi au niveau des cuisses mais je sais que je referais l'expérience peut etre à Lyon en octobre Bonne course

A la recherche du mur perdu par Veufre (invité) (83.199.242.xxx) le 19/04/10 à 20:35:40

Merci pour vos retours sympathiques.

Au passage, si vous ne connaissez pas, je vous recommande "What I Think About When I Think About Running" -
http://www.amazon.com/dp/0307269191?tag=grelagir-20

Egalement dispo en français : "Autoportrait de l'auteur en coureur de fond" - http://www.amazon.fr/Autoportrait-lauteur-en-coureur-fond/dp/271444508X/ref=sr_1_8?ie=UTF8&s=books&qid=1271701838&sr=1-8

Pour Invité (invité) (80.12.110.xxx) , mais aussi pour tous :-), j'ai 43 ans, je cours 3 fois par semaines, depuis 3 ans.

A la recherche du mur perdu par Nico (invité) (86.214.199.xxx) le 19/04/10 à 21:42:23

Merci de partager ton expérience. A travers ton récit je retrouve les craintes, l'exitation, l'exaltation qui me traversent l'esprit quand je me défonce sur la piste. Ces émotions qui me ramènent toujours derrière la ligne de départ...

A la recherche du mur perdu par Jay Jay 59 (invité) (195.25.169.xxx) le 20/04/10 à 09:20:04

Très joli CR ! Félicitations à toi, tu es marathonien ! J'ai moi aussi écrit un récit de mes courses (l'année passée lors de mon 1° et cette année à Paris), et je prends à chaque fois presque autant de plaisir à courir le marathon qu'à le revivre derrière mon clavier (avec les jambes dures en moins pour la 2° configuration) !

A la recherche du mur perdu par Gulgui (invité) (194.3.185.xxx) le 22/04/10 à 11:55:30

Beau récit, très intéressant. Je suis impressionné par la performance, moi qui ne cours que 10 km / semaine.
Bravo !

A la recherche du mur perdu par Gaëtan (invité) (194.3.55.xxx) le 22/04/10 à 16:21:47

Chouette récit, on s'y croit ! Félicitations pour ce 1er marathon, c'est un défi personnel et c'est toujours beau de le réussir (qquesoit le temps)

A la recherche du mur perdu par volovent (invité) (90.53.159.xxx) le 22/04/10 à 17:19:07

Comme quoi quel que soit le temps recherché 3 h 3h15 4h

un seul mot d'ordre HUMILITE

Les premiers courent pour savoir qui est le plus rapide.

La masse pour montrer à soi même que, finalement, on a tous des tripes.

Chapeau bas!!! et bravo

A la recherche du mur perdu par Azaer (invité) (81.48.79.xxx) le 22/04/10 à 17:33:38

Merci d'avoir partager avec nous ce bel exploit et félicitation d'avoir tenu jusqu'au bout.

A la recherche du mur perdu par (invité) (109.130.144.xxx) le 30/01/20 à 16:39:28

"• 5'16 / km ... mais 43 km parcourus, au lieu de 42,195. La prochaine fois, je suivrai la ligne bleue ! Très content, sur 42 KM, ça fait 1h42 ! versus 1h45, on se contente comme on peu. A retenir pour le prochain Marathon"

Le gars qui met plus d'un quart d'heure à Kipchoge.

A la recherche du mur perdu par SuperD (membre) (91.170.57.xxx) le 30/01/20 à 17:05:30

oui mais ça c'était en 2010, depuis il a progressé ;-)

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