Article l'équipe sur Habarurema

Aller tout en bas au dernier message - Répondre au message - Retour au forum sur la course à pied

Article l'équipe sur Habarurema par (invité) (176.189.181.xxx) le 08/04/15 à 14:05:46

Quelqu'un pourrait il copier coller l'article, merci bcp

Article l'équipe sur Habarurema par (invité) (217.109.116.xxx) le 08/04/15 à 15:52:05

http://uptobox.com/hhy3pifbpogz

Article l'équipe sur Habarurema par Tonio92 (invité) (82.66.100.xxx) le 08/04/15 à 23:44:42

Jean-Damascène Habarurema a perdu la majorité de sa famille en 1994, lors du génocide rwandais. Il courra dimanche à Paris le marathon et continue de se reconstruire par la foi, la philosophie et... la course à pied.

SUR L'ÉTAGÈRE DE SON SALON épuré où un fil de téléphone, scotché au sol, longe les plinthes, Jean-Damascène Habarurema a disposé des bouts d'Afrique. Dont un agaseke, ce panier tissé typique du Rwanda, son pays natal. Un cadeau de sa maman restée là-bas, à Huye (le nouveau nom de la ville de Butare, au sud), avec sa soeur. La dernière. Ses huit autres frères et soeurs, ainsi que son père, ont été tués au cours du génocide qui a fait plus d'un million de victimes entre avril et juillet 1994. Lui en a réchappé, miraculeusement.

« J'étais à l'école ce jour-là. J'étais interne au groupe scolaire de garçons de Save (une des premières missions catholiques rwandaises, située près du Burundi). Le directeur nous a fait traverser la frontière mais ceux qui étaient derrière nous ont été tués. J'aurais pu être avec eux. » Depuis, il vit avec cette déchirure, ses fantômes, ses tourments. « Il y a quelque chose que je ne comprends pas encore aujourd'hui. Comment un pays catholique pratiquant à 97 % peut sombrer dans ce genre de drame ? Depuis, je suis dans un questionnement qui me dépasse mais qui me permet d'avancer. Sinon, je suis un homme mort. »

Depuis son arrivée à Angers, en 2003, il tient le coup, relatant son histoire sans pathos ni rancoeur avec comme exutoire la course à pied, découverte dans la cité française sur le tard. « Pourquoi je cours ? Pour ne pas mourir. La notion de la mort, ce n'est pas seulement perdre la vie. J'ai perdu ma famille et c'est plus que mourir. J'aurais préféré mourir et ne pas me prendre la tête (avec ces questions). Et pourtant, rien ne vaut la vie.  » Il ponctue souvent son récit d'un petit rire gêné et attachant qui rappelle celui, inimitable, de l'ancien footballeur Jean Tigana. Une forme de protection, de politesse, selon Renaud Hétier, maître de conférence à l'Université catholique de l'Ouest (UCO) où Habarurema prépare sa thèse de philosophie après un master en sciences de l'éducation. « Jean représente une certaine “africanité”, une philosophie de vie complémentaire à la nôtre et dont on doit se nourrir : prendre son temps, laisser de la place aux autres, ne pas prendre tout l'espace. » Ce petit bonhomme (1,66 m, 53 kg) dit souvent « d'accord » car il a « peur des conflits. Être gentil, cela coûte quoi ? On vit dans quel monde ? »

Un monde qu'il a arpenté pendant vingt ans. Après avoir passé trois mois au Burundi, attendant l'apaisement au Rwanda, il rentre à Butare, rejoint la congrégation des Frères Saint-Gabriel et s'apprête à embrasser une vocation religieuse, répondant aux souhaits de son père défunt, agriculteur, et de sa mère, institutrice. Il travaille auprès des enfants sourds puis décide de mettre les voiles avec les religieux, direction la Thaïlande, l'Inde, l'Italie et la France, à Angers précisément, où il finira par quitter sa congrégation. Celle-là même qui, pour le faire sortir du Rwanda, modifia ses papiers d'identité afin de le vieillir de quatre ans (il aurait trente-quatre ans et non trente-huit mais ne parvient pas à le faire reconnaître administrativement). Celle-là même qui refuse sur un ton sec (vexée par son départ ?) d'évoquer cet ancien frère, sinon pour dire, sans preuve, que « c'est un personnage mystérieux pour nous, il y a des zones d'ombre dans son histoire ».

La « belle » histoire de l'athlète rescapé du génocide n'en serait pas une ? Aurélien Denechere, son ancien entraîneur, ne va pas jusque-là mais admet s'être posé « des questions sans trouver les réponses.  On ne peut pas nier qu'il a été victime du génocide, il porte en lui une vraie cicatrice psychologique mais certaines personnes ont peut-être grossi le trait. » Les parents d'Aurélien ont pourtant accompagné Jean-Damascène au Rwanda où ils ont rencontré sa maman, découvert les ossements des défunts, « un moment fort ». Puis les deux parties ont « pris leurs distances même si on échange encore.  Pour mes parents, il a été comme un fils, ils l'ont aidé, peut-être trop alors que lui voulait prendre son envol. Peut-être s'est-il senti oppressé. Du coup, il s'est cloisonné, on a été déçus. » De petits mensonges au quotidien en remise en cause de son histoire tragique, certains, au niveau local mais aussi dans le milieu de la course, animés par la jalousie que suscite sa médiatisation, ont franchi le pas. Quand on lui a rapporté les doutes qu'il suscite, Jean-Damascène s'est dit « perturbé », a repensé à sa maman qu'il appelle deux fois par semaine. « Elle culpabilise d'être hutue (ce qui lui a permis d'être épargnée), et elle le vit très mal. »

Habarurema, trop libre aux yeux des frères lorsqu'il enfilait ses baskets pour avaler les kilomètres de la région angevine, voulait vivre sa « foi ailleurs, être actif dans la vie, ne pas être enfermé dans une communauté ». Trop anachronique pour cette institution catholique selon Daniel Beaudot, le président du club d'athlétisme de l'Entente Nord Anjou (ENA) où le marathonien est licencié. « Certains week-ends, il était obligé de sortir pour aller courir, il avait un téléphone portable, il sortait du cadre. » Même sentiment chez Soazig Lanco, la directrice du foyer de l'Esvière où il travaille comme gardien de nuit. « Il ne pouvait pas faire ce qu'il voulait et Jean, c'est un homme de contact, de relationnel. II voit un pauvre gars dans la rue, il l'invite à manger chez lui ! Il fonctionne comme ça, à l'africaine et avec les frères, qui sont vieux, cela n'a pas marché. Cela me choque (les doutes de la congrégation) : il ne va quand même pas raconter que sa famille s'est fait bousiller juste pour se faire mousser ! »

Jean-Damascène Habarurema, qui est retourné trois fois au Rwanda, avance doucement dans son récit, pas à pas. « À chaque interview, il y a quelque chose de nouveau qui sort. C'est la même histoire, mais mon analyse change. » Ce passionné de saint Augustin, qu'il cite de tête, avale une gorgée d'un breuvage de récupération lorsque la conversation devient plus intime, que les questions prennent un tour plus direct et, disons-le, plus voyeur. Il se réfugie derrière un raclement de gorge, un sourire poli et la foi. « Ce qu'on cherche tous, c'est l'amour. Le monde est mis à mal car il manque d'amour. On a envie d'être aimé, d'aimer, c'est tout. Je ne suis jamais seul, car j'ai la foi, je suis avec le Seigneur. » « Son travail spirituel, c'est sa boussole intérieure, dit joliment Renaud Hétier, séduit par « sa capacité à convertir le malheur en énergie pour aller le plus loin possible dans plusieurs domaines hétérogènes, toujours avec le souci de l'excellence ».

Parfois, sous le flot de ses propres questions, l'athlète-philosophe-religieux vacille. Sur le thème du pardon, surtout. « Qu'est-ce que c'est le pardon ? interroge Habarurema. Étymologiquement, cela veut dire “tu redonnes”. Honnêtement, on m'a tout pris, qu'est-ce que je peux redonner ? Pourquoi les gens de l'extérieur viennent me demander si j'ai pardonné ? Comment pourrais-je accorder le pardon alors que ce n'est pas moi qui ai été menacé ? Quelqu'un a violé et découpé ma soeur et il vient me demander pardon, ce n'est pas à moi de pardonner, c'est à elle. Et c'est quoi le pardon ? » insiste-t-il. Jean-François Pontier, manager « hors stade » (du 10 km au marathon) à la Fédération française d'athlétisme, a régulièrement l'occasion d'en débattre. « Il n'a pas encore fait le deuil, la question du pardon l'obnubile. Par sa foi, son éducation religieuse, il ne peut pas dire qu'il ne pardonne pas mais au fond de lui-même, a-t-il vraiment pardonné ? Il est tiraillé.  » Comme il peut l'être entre son éducation africaine et les codes européens dont il peine à comprendre l'individualisme. Son premier semi-marathon ? Il s'est arrêté pour consoler une petite fille en pleurs sur le bord de la route. Et les finishs au coude à coude avec ses adversaires se sont en fait terminés main dans la main, tout sourire. « Il a un peu évolué sur ce point, analyse Jean-François Pontier. Quand il est sur la ligne de départ, il est en mode compétiteur mais il n'aura jamais la volonté de bouffer les autres. Sa motivation est différente, tout aussi louable. Il ne se bat pas contre ses adversaires mais contre lui-même, pour s'affirmer, se prouver qu'il peut devenir quelqu'un. » Il l'avoue, malgré ses lectures de Le Clézio, ­Michka Assayas ou Lewis Carroll, étalées sur la table du salon, le Franco-Rwandais se cherche encore. « Je ne participe jamais au rassemblement de Rwandais en France car je ne sais jamais avec qui aller. Ma mère est hutue, mon père était tutsi. Moi, je suis quoi ? Je suis rescapé d'un génocide mais cela ne s'arrête pas là, je suis aussi un “intellectuel”, un Noir, un Français, un sportif de haut niveau. C'est un tout, sinon je ne suis plus Jean. » Un Jean qui a séduit tous ceux, ou presque, auxquels il a demandé inlassablement « pourquoi » ou « comment ».

Car si vous arrivez chez lui avec deux dizaines de questions, vous en repartez avec le double, au moins. « La première fois que je l'ai rencontré, se souvient Pontier, c'était lors d'un stage à Font-Romeu où j'avais amené mes enfants. Eux-mêmes avaient été très surpris par son discours, sa joie de vivre. C'est un personnage très, très différent. » Malgré leur relation distendue, Aurélien Denéchère, dont Habarurema a été le témoin de mariage, se souvient « des très bons moments. Je retiens surtout son écoute, son intelligence et son esprit d'analyse ». Au foyer de l'Esvière, également, la directrice se dit émue « par son rêve. Quand, un jour, il m'a dit : “J'ai un rêve, je veux participer aux Jeux de Rio”, j'en ai eu les larmes aux yeux, j'ai trouvé ça beau. Et j'ai envie qu'il aille au bout.   » Traverser l'Atlantique dans un an, à condition de réaliser les minima, ne le rendra pas plus heureux. « Je ne pense pas qu'il l'est, avance Jean-François Pontier. Il sera en paix avec lui-même quand il aura résolu la question du pardon. » Cela ne lui ramènera pas « [son] enfance heureuse », ni sa famille. Restent les souvenirs, les petites collines de Butare qu'il dévalait avec ses frères et soeurs pour rentrer de l'école, pour aller puiser de l'eau à cinq heures du matin ou garder les vaches de son père. « On dormait tous ensemble, il n'y avait pas de chambre. Il n'y avait rien, on avait tout, on était heureux. » Vingt ans ont passé et il s'interdit de penser qu'il a réussi. « Ma réussite, c'est ma survie. Ce n'est ni une belle ni une mauvaise histoire, j'écris mon propre livre, il sera peut-être fermé le jour… (Il pleure.) Je pleure parce que ma famille n'a pas pu fermer ce livre, on l'a fermé pour eux. » Au bout de deux heures, on a déposé Jean-Damascène Habarurema, en taxi, à la poste de la gare d'Angers où il a envoyé un mandat à sa mère. Puis il est rentré chez lui, en courant...

Article l'équipe sur Habarurema par Tonio92 (invité) (82.66.100.xxx) le 08/04/15 à 23:49:14

SA FICHE
Jean-Damascène HABARUREMA
Née le : 4 décembre 1976 ou 1980
Âge : 34 ou 38 ans.
Nationalités :  française et rwandaise

SON PARCOURS

1994  : le génocide, qui commence le 7 avril, coûte la vie à son père tutsi et à huit de ses neuf frères et soeurs. Sa mère hutue et lui, alors interne dans une école, sont épargnés.

1996  : après avoir rejoint la congrégation religieuse des Frères de Saint-Gabriel à Butare pour entrer dans les ordres, il quitte son pays pour la Thaïlande puis l'Inde et l'Italie.

2003  : arrivé à Angers avec sa congrégation, il la quitte deux ans plus tard. Entre-temps, il a débuté la course à pied avec le club local de l'Entente Nord Anjou. Pour son premier 10 km, il termine douzième (31'30''). Il boucle son premier semi-marathon en 1 h 08'01''.

2009  : vainqueur de son premier Cross du Courrier de l'Ouest, il récidive en 2011, 2013 et 2014.

2012  : sélectionné en équipe de France, il participe aux Championnats du monde de semi-marathon où il termine vingtième et premier Européen (1 h 03'59).

2013  : premier marathon à Berlin (13e et 3e Européen, 2 h 12'40).

2014 : aux Championnats d'Europe, il prend encore la treizième place en 2 h 16'04'', deuxième Français derrière Abdellatif Meftah (6e en 2 h 13'16'').

2015  : en fin d'année, il souhaite soutenir sa thèse de philosophie, intitulée « Penser la reconnaissance au miroir de l'identité ».

Article l'équipe sur Habarurema par (invité) (90.3.146.xxx) le 09/04/15 à 03:31:09

quelqu'un qui semble renaître à travers la course a pied.
Fascinant parcours.

Article l'équipe sur Habarurema par (invité) (80.215.195.xxx) le 09/04/15 à 11:51:16

Grazie mille Tonio

Article l'équipe sur Habarurema par Hatz' (invité) (217.243.246.xxx) le 09/04/15 à 14:29:31

comme quoi, parfois, vu la prépa pourrie qu'on se fait pour un marathon, ca peut servir de prier sur la ligne de départ...

Répondre au message - Retour au forum sur la course à pied

Forum sur la course à pied géré par Serge