CR de la piste des Seigneurs

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CR de la piste des Seigneurs par Fada (invité) (82.127.78.xxx) le 04/03/09 à 14:45:42

La Piste des Seigneurs,
(Nom donné en raison d’une partie empruntée sur la Route des Châteaux des Seigneurs du Rouergue)

Encore une aventure qui s’annonce palpitante, mais là, c’est du déjà-vu et en moins dur. Mais oui enfin, 63 km au lieu des 69 de la Saintélyon avec 500 petits mètres de dénivelé supplémentaires qu’il suffira de « marcher » si vraiment cette différence se ressent. Je vous épargne les détails logistiques, trajet en train, hébergement en famille (au top), acheminement, etc. et passons directement dans le sas du départ au pied de la cathédrale de Rodez.
Toujours la même interrogation sur la préparation, toujours la peur de ne pas arriver au bout, l’attente et les nœuds à l’estomac deviennent insupportables jusqu’au moment où le speaker finit par se taire pour laisser place au spectacle.
19h15, Rodez : le départ est lancé sous une haie de flambeaux rouges accompagnée par les chants grégoriens d’Era, émotions et frissons garantis, chapeau bas aux organisateurs !
La vague lumineuse est composée de marcheurs, de relayeurs et de 880 solos se frayant un passage au milieu d’un public enthousiaste. Kamel, mon pote, novice dans le trail, adopte mon allure de croisière par prudence, il faut savoir que c’est un excellent coureur sur route (16’18’’ au 5000m). 8 à 9 km par heure nous semble très raisonnable au vu des 1700 mètres de dénivelé positif annoncés. Voilà, ça y est, nous nous éloignons de la ville et les lueurs s’estompent progressivement pour laisser place aux innombrables lucioles agitées transperçant un magnifique ciel étoilé parfaitement dépourvu de lune. Dans le même contexte, les bruits citadins et les conversations diminuent pour laisser place aux souffles et aux pas rocailleux des trailers concentrés.
13ème km : « Aïe ! », encore aujourd’hui je l’entends crier assis parterre se tenant la cheville, « Vas-y Thomas, je repars tranquillement dans deux minutes ». Ok, je laisse Kamel et continue ma route avec beaucoup plus de précaution et, surtout, avec une sensation de solitude extrême. Allez, courage, encore 5 bornes à tout casser pour se remonter le moral. Chemin faisant, j’affronte tous les paramètres du trail, sentiers de humus, de feuilles, petites montées, petites descentes, mais aussi, passage dans la boue froide et mouillée, de coups de cul rocailleux et dégringolant et pour couronner le tout, un vent permanent devenant de plus en plus glacial. Voilà, 18 km sur mon GPS et on aperçoit de la lumière, c’est bon…
Que dalle, rien du tout, c’est juste le passage d’un lieu-dit : « Non non monsieur, c’est dans deux kilomètres ». On ne va pas râler, c’est leur première.
20ème km : Pont de Salars, enfin le premier ravitaillement dans une salle chauffée (comme les suivantes d’ailleurs), une petite soupe, un thé chaud et quelques biscuits salés suffisent à assouvir ma satiété.
Brrr… difficile de se relancer dans le froid mais je quitte une ambiance décontractée pour rejoindre ce dont je suis venu redécouvrir, voire découvrir. Mon expérience personnelle m’aide beaucoup à affronter les petites difficultés, de les attaquer le plus judicieusement possible afin d’en limiter la croissance et qu’elles ne deviennent pas un handicap majeur.
37ème km : Curan, presque à l’heure au deuxième ravitaillement. J’en profite pour compléter ma poche à eau et m’alimenter calmement. C’est bon, déjà bien plus de la moitié parcourue et aucune douleur. Je ne m’attarde pas car mon dos commence à être bien trempé. C’est la plus petite partie, la plus haute certes, mais aussi la plus reposante pour les pieds. C'est court mais c'est pentu pour se hisser au sommet. Le final ressemble à une piste d'alpin. De là, on a une très belle vue sur le Viaduc de Millau que l'on observe au loin. Pour terminer ce tronçon, le tracé traverse le cloitre de la chapelle de Comberoumal tout en musique et en jeu de lumières, sensations garanties !
48 ou 50ème km (on ne saura jamais) : St Beauzély, troisième et dernier ravitaillement, il est 1h30 (ça c’est sur !). Quelle surprise juste devant moi, Opa et Oma au bord du couloir tétanisés par le froid à m’attendre depuis plus de deux heures pour m’encourager, incroyable ! Bien remonté moralement je traverse le magnifique château de St Beauzély sans manquer de me requinquer 5 minutes. Il reste le plus hard à passer, il s’agit donc de surtout rester zen. Je décide de prendre un premier gel que je renouvellerai toutes les demi-heures pour parer aux éventuelles faiblesses. La complexité de certains passages démontre qu’il ne suffit pas de serrer les dents jusqu’au sommet, mais également de se forcer à rester décontracté. C’est une leçon qui ne me quitte plus depuis qu’on me l’a enseignée et de nombreux petits bobos sont ainsi évités. C’est bien beau mais là ça devient vraiment long et difficile, plus question de courir en montée, une crampe violente menace de se manifester à chaque faux pas. Pour la première fois depuis longtemps je me fais dépasser par de nombreux solos, tant pis, mais je ne veux surtout pas craquer maintenant, craquer si près du but, ma devise : s’époumoner sans broncher (poumon, bronche… bref).
Enfin j’y suis, je traverse la pile 1 du viaduc, c’est vrai que c’est beau ce que l’homme peut faire me dis-je en souriant…Je passe cet amas de béton, cette flèche illuminée qui est restée plus d’une heure dans mon champ de vision pour attaquer la dernière grosse montée. Les négociations entre mon mental et mon physique aboutissent à une entente plus que convenable. Marche ou crève, j’aime Trust, j’aime reprendre le pas de course après un chaos, j’aime user de mes pensées affectives familiales. Les compléments alimentaires m’auraient-ils aidé ? En tout cas, mon allure sur la longue descente de 4 km ne voit que du rouge, je parle de la couleur des dossards solos dont je me régale à ventiler par mes dépassements successifs.
67 ou 72ème km (quelle importance !), Millau, après 2000 mètres de dénivelé positif en définitive, j’attaque la dernière ligne droite en sprint, en faux plat montant, tout droit vers l’entrée d’un hall. Les applaudissements conditionnés par un speaker se matérialisent au haut des marches de l’estrade couverte d’un tapis rouge, me propulsant au sommet de ma joie devant une salle comble de spectateurs, de solos, de duos, de trios et de quatuors.
Il est bientôt 5h00 du matin, 9h21min d’aventures incessantes chargées d’efforts multiples que je ne pourrais malheureusement pas partager. Kamel a continué en boitant jusqu’au premier ravitaillement, non par manque d’aide mais, dans le seul but de repartir légalement après un soin provisoire (respect). Son entorse sérieuse diagnostiquée par le médecin lui sera définitivement fatale pour son premier long trail et fera parti du bus rapatriant les relais, les abandons et les blessés.
On se retrouvera un peu plus tard, d’ici là, un excellent gueuleton composé de truffade, de jambon de pays, de roquefort, etc. n’attend que moi, il ne faudrait surtout pas froisser les organisateurs !
Suis-je frontalement illuminé ? Suis-je converti par la nature à tout jamais ? Je ne saurais l’affirmer mais tant qu’il y aura des initiatives et des associations qui ont pour seul but de partager une passion commune, je garderai un respect profond et une ambition d’autant plus perfectionniste.

Vive le sport

CR de la piste des Seigneurs par Moogly (invité) (138.102.135.xxx) le 04/03/09 à 14:59:17

Ca donne envie! ...d'en être capable un jour...
Félicitations, très beau CR et belle perf!

CR de la piste des Seigneurs par france (membre) (86.209.90.xxx) le 04/03/09 à 18:31:52

Oui, très beau ton CR.
J'y étais aussi mais ai seulement fait les relais 3 et 4.
C'était merveilleux, féérique.
Un bon souvenir, une organisation au top.
J'y retournerai.

CR de la piste des Seigneurs par (invité) (82.127.78.xxx) le 09/03/09 à 08:25:12

3 et 4, c'était pas le plus facile

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