Autoportrait d'un écrivain en coureur de fond

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Autoportrait d'un écrivain en coureur de fond par rascal (membre) (77.197.196.xxx) le 30/04/09 à 12:40:55

La plume musclée d'un marathonien (pour les coureurs lecturs)

copiécollé "Le Monde des Livres du 10 avril 2009"

"Dans la salle des sports de Tokyo où il s'entraînait, Haruki Murakami se souvient d'avoir lu cette mise en garde : "Il est difficile d'acquérir des muscles, facile de les perdre. Il est facile de prendre de la graisse, difficile d'en perdre." Ce n'était ni du Shakespeare ni du Victor Hugo, mais une remarque de bon sens, cent fois vérifiée. Le dernier livre du romancier japonais, qui passe pour nobélisable, vole à peine plus haut. On dirait qu'il a décidé résolument de rester au ras des pâquerettes. "Pardon d'énoncer des truismes", lâche-t-il au détour d'un paragraphe.


Il s'agit, ni plus ni moins, d'un ouvrage sur la course à pied. Ce n'est pas un coureur qui réfléchit à l'écriture, mais un écrivain qui court et analyse - avec talent - cette activité quotidienne (dix kilomètres par jour, six jours par semaine), devenue une part essentielle de sa vie.

A l'automne 1982, âgé de 33 ans, Murakami a conjugué ces deux activités. N'en pouvant plus "d'écrire contre la montre" après des nuits exténuantes, il a fermé le club de jazz qu'il tenait à Tokyo avec son épouse, et s'est attelé à sa table de travail. Les kilos n'ont pas tardé à arriver.

Pour retrouver une silhouette acceptable, il a commencé alors à courir. Un calvaire ! Il s'essoufflait dès les premiers mètres. Peu à peu, se couchant tôt, mangeant mieux, développant ses muscles, il a remodelé son corps et pris goût à la course.

Après avoir enseigné les lettres japonaises à Princeton (Etats-Unis), le romancier est rentré au Japon, en 1995. Il voyage beaucoup. Le succès considérable de ses livres, notamment La Ballade de l'impossible (Seuil, 1994), lui permet d'organiser librement sa vie, de New York à Hawaï, avec un sac de sport qui ne le quitte plus.

Murakami ne pense pas qu'un écrivain doive "mener une vie déréglée afin de pouvoir créer". Dénonçant cette "vision stéréotypée", il affirme, dans une formule un peu curieuse : "Une âme malsaine a besoin d'un corps en bonne santé."

Des écrivains cyclistes, comme Antoine Blondin, ont admirablement célébré le vélo. La course à pied inspire moins d'exercices littéraires. Récemment, Jean Echenoz a consacré un beau livre au marathonien Emil Zatopek (Courir, Minuit, 2008), mais sans se mettre lui-même à nu, comme le fait Murakami.

Voici en effet un romancier qui nous parle de ses semelles, de son short, de sa transpiration, de chacun de ses muscles, les comparant à "des animaux au travail, très consciencieux", qui ne se plaignent pas, quitte à "faire la grimace, parfois". Ils sont capables en effet de donner le meilleur d'eux-mêmes, pour peu qu'on sache leur parler, "leur rafraîchir la mémoire" et leur "montrer qui commande". Sinon ils se relâchent, et c'est la catastrophe. Un certain goût de la solitude a poussé Murakami vers l'écriture et la course à pied. Il ne crache pas sur la compétition puisqu'il participe à un marathon (42 kilomètres) tous les ans et participe à des triathlons. Son souci, assure-t-il, n'est cependant pas de battre les autres, mais de se vaincre soi-même.

Murakami a même tâté de l'ultramarathon (plus de 100 kilomètres) en juin 1996 dans le nord du Japon, et cette épreuve nous vaut un chapitre saisissant. Vers la fin du parcours, les différentes parties de son corps n'étaient plus qu'un concert de plaintes. Il a dû parlementer avec elles, les encourager, les gronder, les flatter... Il voulait atteindre la ligne d'arrivée, fût-ce en rampant, et il y est arrivé.

Ce jour-là, le romancier a vraiment compris que les épreuves ou les blessures représentent une part nécessaire de la vie. "Ce qui nous procure le sentiment d'être véritablement vivants, écrit-il, c'est justement la souffrance, que nous cherchons à dépasser."

Murakami n'est pas de ces écrivains dont la plume court toute seule. C'est un besogneux, qui doit s'attaquer à "la montagne" à coups de piolet, "creuser un trou profond avant de découvrir la source de la créativité". Mais si l'on n'est pas maître de son talent, remarque-t-il, on peut "acquérir et affûter" les deux autres qualités d'un écrivain, qui sont la concentration et la persévérance. Cela se fait "avec des exercices", dans "un travail très semblable à l'entraînement musculaire".

Au-delà des métaphores, Murakami constate que l'écriture d'un roman est bel et bien un travail physique, qui donne lieu, à l'intérieur de soi, à "une dynamique laborieuse et exténuante". Il assure que ce qu'il a appris en courant est à l'origine de toutes ses "techniques de romancier". Lesquelles ? On aurait aimé qu'il se montre ici aussi détaillé que sur ses douleurs à la hanche gauche ou au genou droit... Nous devons nous contenter de ce postulat : "Si je n'avais pas décidé de courir de longues distances, les livres que j'ai écrits auraient été extrêmement différents." En tout cas, ce livre-là, écrit d'une plume limpide et musclée, donne une envie irrésistible de se remuer.

Sur sa tombe, Murakami aimerait que figure l'inscription: "Ecrivain (et coureur)". On notera que le deuxième terme est, quand même, entre parenthèses.

Le livre : AUTOPORTRAIT DE L'AUTEUR EN COUREUR DE FOND d'Haruki Murakami. Traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, 182 pages, 19,50 €.

Article de Robert Solé paru dans "Le Monde des Livres" du 10.04.09

Autoportrait d'un écrivain en coureur de fond par (invité) (83.152.88.xxx) le 30/04/09 à 12:58:03

il se met à nu avec l'écriture (entre () c pas nouveau nouveau ça), mais il y a des photos à poil de lui dans son bouquin ?

Autoportrait d'un écrivain en coureur de fond par Akira (invité) (90.19.78.xxx) le 30/04/09 à 13:00:59

Après "Courir" de Echenoz (qui raconte la vie sportive de Zatopek), Murakami se met lui aussi à écrire sur la CAP. Et pas n'importe comment, puisqu'il parle de sa propre expérience.
Alors oui, je vais me laisser tenter par cette lecture, en sachant que Murakami est un très bon auteur.
Il prouve au sceptique que sport et littérature peuvent faire bon ménage.
Et vive la course à pied.

Autoportrait d'un écrivain en coureur de fond par (invité) (83.152.88.xxx) le 30/04/09 à 13:08:56

c déjà dur de se ravitailler en courant, alors lire en courant !

Autoportrait d'un écrivain en coureur de fond par Akira (invité) (90.19.78.xxx) le 30/04/09 à 13:13:34

Je vois que (83.152.88.xxx) est un adepte de la blague de comptoir.
Néanmoins, parler de livre ayant pour thème la cap peut-être intéressant.
(83.152.88.xxx), je te conseille par exemple, "La tranchée d'Aremberg de Philippe Delerm.

Autoportrait d'un écrivain en coureur de fond par (invité) (83.152.88.xxx) le 30/04/09 à 13:17:15

sache que j'aime aussi le comptoir akira surtout avec du jaune et des olives

ce bouquin de Delerm c pas du vélo ?

Autoportrait d'un écrivain en coureur de fond par (invité) (90.19.78.xxx) le 30/04/09 à 13:28:58

En partie. Dans ce livre Delerm évoque les plus beaux moments sportifs (de son enfance à l'âge adulte). Il y a d'ailleurs un beau petit passage sur Zatopek lors d'une course à Tokyo.

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