récit Marathon de Genève 2009: Presqu'à l'heure!

Aller tout en bas au dernier message - Répondre au message - Retour au forum sur la course à pied

récit Marathon de Genève 2009: Presqu'à l'heure! par alexandre (invité) (79.81.56.xxx) le 21/05/09 à 05:46:03

Bonjour à tous

voici ma dernière prose sur le marathon de Genève, couru il y a quelques jours,
l'occasion de vous faire partager un grand souvenir où il n'est pas question que de sport!

en pièce jointe une photo d'illustration :
"plus que trois coureurs à suivre de près nos lièvres de service. Je suis dans le coup. Pour combien de temps encore ?"


Bonne lecture


MARATHON DE GENEVE 2009 :
PRESQU'A L'HEURE!

La réputation horlogère de Genève dépasse les frontières, quoi de plus naturel alors que d'organiser une manifestation sportive dont la maîtrise du temps est fondamentale : le marathon. Cette course à pied, au départ d'une quarantaine de kilomètres, a été créé à l'occasion des Jeux Olympiques d'Athènes de 1896 pour commémorer la légende du messager grec Phidippidès qui parcourut la distance de Marathon à Athènes pour annoncer la victoire contre les Perses, en 490 avant notre ère. La distance officielle est fixée depuis 1908 : à l'occasion des Jeux Olympiques de Londres, la famille royale d'Angleterre désirait que la course démarrât du château de Windsor pour se terminer face à la loge royale dans le stade olympique, soit 42km et 195m. Dès lors, chaque coureur, des milliers de par le monde aujourd'hui, se fixe un temps donné pour terminer cette distance mythique. En venant courir dans la cité genevoise ce 10 Mai, j'ai pour ambition de « titiller » les 3 heures. Retour sur les coulisses d'une course- référence, où l'art du marathon se confond avec l'Histoire, la musique et la vie.

LE FIASCO DE LYON

2009: une année pour moi pas comme les autres. L'année de mon mariage avec Laurence, une crise économique et sociale sans précédent, les 20 ans de la chute du mur de Berlin. Le mariage me donne des ailes à l'entraînement mais la « crise » a raison du marathon de Lyon, ma course phare du printemps. Un désaccord profond entre co-organisateurs, le désengagement tardif du sponsor principal, une communication quasi inexistante: l'épreuve est annulée huit jours avant le jour J. Du jamais vu. A croire qu'ils l'ont fait exprès! Les coureurs déjà inscrits sont pris au dépourvu: c'est un manque de respect pour des semaines investies à l'entraînement, des réservations d'avion et d'hôtel pour certains venant de loin...
Certes, organiser une telle manifestation dans une grande ville relève parfois du parcours du combattant mais dans le cas présent c'est, je pense, un manque de volonté politique et d'organisation qui expliquent ce fiasco. Le marathon de Lyon végétait depuis quelques années. Partout ailleurs, les marathons affichent complets, l'économie de la course à pied ne s'est jamais aussi bien portée. La crise a bon dos quand même. Il faudra du temps pour remettre sur pied un projet fédérateur qui donne envie. Et surtout regagner la confiance des coureurs. Lyon, mon premier marathon en 2003, un grand souvenir...


FINALEMENT A GENEVE

Comme solution de repli, le marathon de Genève s'avère idéal. Facile d'accès, Genève est distante de 30 km environ de Bellegarde sur Valserine. La cadre de la ville avec sa rade et son célèbre jet d'eau, au bord du lac Léman, ses quais, ses parcs, est enchanteur. Avec Laurence, nous avions flâné l'an dernier une journée à la découverte de la vieille ville (musée international de la Réforme, Cathédrale), endroit où se court la Course de l'Escalade (15 000 participants chaque premier samedi de décembre) ainsi que le Parc des Bastions, où il fait bon de se promener.

Cette fois-ci, je ne suis pas venu faire du tourisme. J'ai a priori confiance dans le sérieux des Suisses en matière d'accueil de coureurs et d'organisation de course populaire. Et les Helvètes possèdent un talentueux ambassadeur de la course à pied: Viktor Röthlin, plusieurs fois médaillé dans les grands championnats internationaux. Actuellement le marathonien blanc le plus rapide (2h07m), il s'entraîne parfois à Eldoret... sur les hauts plateaux du Kenya.

Le marathon, c'est un rendez vous avec moi-même autant qu'un défi sportif. Une sorte d'ascèse, une pratique. « Connais-toi toi même » a dit Socrate. A la base, j'ai le goût de l'effort, le chrono vient après. L'expérience accumulée depuis des années m'aide à adapter mon programme d'entraînement en fonction de mes obligations professionnelles, familiales, ma motivation et l'objectif fixé. Savoir pourquoi on court et comprendre pour s'améliorer. Et la diététique, ainsi que la récupération sont essentielles. Les kilomètres sont utiles ( environ 60 à 70 km hebdomadaires) et surtout des variations d'allures (vitesse maximale aérobie, seuil anaérobie, allure marathon, endurance fondamental) pour travailler le « moteur ». En mars, je boucle un 10km en 37 minutes, je suis sur la bonne voie et cela me motive. J'ai bien digéré la SaintéLyon.

Coureur amateur régional, il est bon d'avoir d'autres centres d'intérêt: la lecture, le cinéma et la musique. Avant le jour J, ce sont de bons moyens de se détendre. Ainsi, le film allemand « la Vie des autres » est bouleversant. Où comment un policier zélé de la Stasi (formidable Ulrich Mühe), en voulant espionner un couple d'artistes, va découvrir l'art et l'amour, et changer le cours de l'Histoire. Une page sombre de l'histoire de la RDA, peu avant la chute du mur de Berlin. Le mental a aussi besoin d'ondes positives: écouter de belles mélodies comme « la mère à titi » de Renaud, « try again » de Keane, « le cinéma d'Audiard » de Sardou, « life in technicolor » de Coldplay ou « le monde avec tes yeux » de NH3, c'est stimulant et l'on part d'un bon pied.


MENEURS D'ALLURE

Au départ de la course, je suis serein. J'ai de bons acquis et mes derniers tests à l'entraînement ont été encourageants. Pour boucler le marathon en 3 heures, il faut tenir une allure constante de 14 km/h. « Si tu cours par à coup, t'es mort! » m'a dit Eric Lefebvre, un ami coureur. Les organisateurs ont désigné des marathoniens expérimentés comme meneur d'allure. Ils doivent mener le maximum de coureurs à réguler leur allure selon leur temps espéré (3h-3h15-3h30-4h-4h30-5h). Ces coureurs sont reconnaissables par un ballon accroché dans leur dos. Pendant la course, ils sont là pour conseiller et encourager ce qui suivent leurs pas . Je n'ai jamais suivi ces « ballons » dans le passé, je vais tenter l'expérience cette fois-ci. Ma tactique est étudiée: si je termine avec eux, c'est sûr, mon record de 2h59m et 44sec tombe. Méfiance quand même, je ne suis pas un mouton de Panurge...
Sur la ligne de départ à 8h du matin, nous sommes près de 900 marathoniens rassemblés. Les organisateurs ont déplacé des montagnes pour mettre sur pied cette course ainsi que le semi-marathon, plus tard dans la matinée (2500 coureurs): procédures complexes, trouver un sponsor relève presque de la quête du Graal, futur chantier du tramway...L'épreuve est menacée, mais contrairement à Lyon, le comité d'organisation est soudé. Le parcours est composé de deux boucles de 21km 0975m, dans la ville et le long des quais.
Que pense t-on à quelques secondes de s'élancer pour un contre la montre de 42k195 m ? boucler la distance pour dire « je l'ai fait », tenter de battre son record, rejoindre l'histoire du marathon avec de grands noms comme Zatopek, Mimoun, Bikila ou encore Gebreselasie. Considéree il y a encore quelques décennies comme « inhumaine », cette distance n'inspire plus trop la crainte. Entraînement foncier et bonne hydratation sont la clé du succès.


DANS LES TEMPS


Aujourd'hui, j'ai décidé d'être ponctuel. A 11 heures précises, je dois franchir la ligne d'arrivée. Je suis remonté comme une pendule. Le départ donné, je me positionne tout de suite dans la foulée des deux meneurs d'allure de 3h. Des orchestres musicaux sont postés le long du parcours. Un groupe reprend la chanson « n'oubliez jamais » de Joe Cocker, c'est drôle, cela sonne comme un rappel à l'ordre. Bien rester concentré, ne pas s'emballer. J'ai aussi une pensée pour mes proches, cela galvanise. Après avoir longé une première fois le quai Wilson, on traverse le pont du Mont Blanc et l'on s'en va effectuer une escapade dans les ruelles avoisinantes. Une trentaine de coureurs entourent les deux ballons rouge pendant une heure. On court à l'allure prévue. Je reste vigilant où poser mes pieds car les passages sont un peu étroits. La forme semble au rendez-vous. Le parcours est roulant, on traverse parfois des passerelles. Les
kilomètres passent, le peloton s'effiloche peu à peu. Les ravitaillements sont pris à la volée (gobelets en carton) pour entretenir la machine à réguler le temps. 1H29m 15s: déjà la mi-course. On passe une première fois sur la ligne d'arrivée, devant le palais Wilson, siège de l'ONU. Nos meneurs d'allure font du bon boulot. Je ne les perds pas d'une semelle. Je me sens davantage à l'aise maintenant. Un à un, des coureurs décrochent, la route s'ouvre devant moi. A partir de maintenant, une bonne chaussure de course et la préparation des pieds sont déterminantes. A mesure que le temps passe, c'est la tête qui fait avancer les jambes.

Le passage du 30ème km (en 2h07m) comporte une haute valeur symbolique. Reste un petit tiers de course et la fatigue musculaire des jambes commence à se faire sentir. On traverse de nouveau le Pont du Mont Blanc, pour un dernier aller-retour sur les quais aux parterres richement fleuris. Plus que trois coureurs à suivre de près nos deux lièvres de service. Je suis dans le coup. Pour combien de temps encore ? J'ai l'impression que l'allure s'accélère un peu. Ma foulée est moins légère. Nos meneurs d'allure semblent faciles. Normal: les ballons dans leur dos leur donnent des ailes! Je ne fais pas le malin derrière. Leurs encouragements redoublent. Au 33ème km, je perds peu à peu du terrain. 5 mètres par ci, 10 mètres par là, mais je reste au contact. La convention de Genève, pierre angulaire du droit humanitaire, interdit de tirer sur les ambulances! Au 34ème km, je ne peux plus relayer. Ils ne seront plus rejoints. Au 35ème km, je suis encore dans les temps (2h28m). Chaque coureur porte un dossard avec son prénom. Pour une fois, on n'est pas qu'un numéro. Bonne initiative des organisateurs. Comme cela, le public identifie plus facilement les protagonistes.


ALLEZ ALEXANDRE !

Je cours seul désormais. Derrière, les positions sont figées. A 5km de l'arrivée, un énième encouragement: « tu vas faire moins de 3 h, c'est super Alexandre, c'est Emmanuel, de Tassin! », Emmanuel Seiller, entraîneur de l'AC Tassin, venu pour accompagner ses coureurs du club. Mes pieds martèlent le macadam, les quadriceps encaissent les ondes de choc. Les réserves énergétiques en glycogène sont maintenant entamées. L'arrivée semble si proche, si loin aussi. Les bornes semblent s'éterniser tandis que le temps s'égrène comme un sablier. Le soleil a laissé place à un ciel menaçant. Je défie le dieu Chronos. Je longe maintenant le jardin Anglais avec sa fameuse horloge fleurie. Au Km 40, je passe en 2h51m30sec.
Mathématiquement, c'est vraiment limite. Je n'ai plus le choix, il faut accélérer. Or, j'ai la sensation de courir avec le frein à main: je veux aller plus vite mais c'est impossible. En traversant une dernière fois le Pont du Mont Blanc, j'ai la chair de poule. Le galérien du bitume que je suis n'est pas habitué à tous ces « Allez Alexandre ». Des heures d'entraînement en solitaire le plus souvent pour vivre un dénouement aussi indécis, c'est exaltant. J'aborde le dernier kilomètre et je sais en regardant ma montre que les 3 heures seront dépassées de peu. Je ne ménage pas ma peine. Dans la dernière ligne droite de 500 mètres, j'essaie de faire bonne figure et de savourer ce moment fugace. C'est l'aboutissement. D'un geste de bras levé, je remercie le public. C'est le sprint final. La ligne franchie, le chronomètre officiel affiche 3h00m 51s. Qu'importe. J'ai failli réussir mon coup. La satisfaction est immense. J'ai pris mon pied en ce jour printanier. Je remercie chaleureusement nos métronomes arrivés quelques instants auparavant, Julien Gutenbein et Francisco Pasandin. Instants de partage et de fraternité. Le mur des 3 heures a tremblé, je compte bien, le moment opportun, le faire tomber.

Ce marathon de Genève, plébiscité par les coureurs, risque de disparaître et c'est bien dommage. Voilà une manifestation bien organisée dont les genevois peuvent être fiers. La course à pied continue d'être associé à des valeurs positives (santé, bien-être, rassemblement festif, actions de solidarité...)et l'existence, une course de fond, où le bonheur est un risque à courir. Le plus beau marathon, avec ses épreuves et ses joies, ne serait-il pas tout simplement la vie ?


Alexandre DELORE

Licencié au Club Athlétique du Bassin Bellegardien

Vous pouvez consulter le site genevemarathon.ch

récit Marathon de Genève 2009: Presqu'à l'heure! par Elguever (invité) (83.203.254.xxx) le 21/05/09 à 15:54:00

Super récit Alexandre!

Merci et bravo pour ta perf, la prochaine fois tu seras sub 3H!

Répondre au message - Retour au forum sur la course à pied

Forum sur la course à pied géré par Serge